Tous les oiseaux ont bien chanté, Je bénis mon jardin hanté Par cette foule très étrange : Un rouge-gorge ensanglanté, Un doux pinson désargenté, Le merle noir que tout dérange !
Je cueille alors mille chansons Qui, chatouillant fleurs et buissons, Me font sourire de tendresse ! J’oublie un peu mes chauds frissons Pour mieux servir ces polissons Dès qu’ils étendent leur détresse !
Dans cet univers enchanté, Comprenez donc mon allégresse A faire don de charité !
J’attends patiemment une place pour celle Qui tombe chaque jour un peu plus lourdement, Chacun feint d’ignorer sempiternellement, Qu’hélas, de plus en plus, mon pauvre esprit chancelle…
Vais-je devoir sans fin agiter ma crécelle, Et secouer aussi plus énergiquement, Cette société qui pathétiquement, Se moque plus que tout d’un chagrin qui ruisselle ? J’attends !
Une épaule en morceaux, un poignet et j’en passe ! Ce n’est donc pas assez ? Faut-il donc que trépasse Cette femme impotente au passé déroutant ?
Après avoir connu solitude et détresse, Avais-je mérité cette arme vengeresse : L’incroyable mépris d’un monde dégoûtant. J’attends !
Flirter avec les mots pour enrichir la prose, S’accrocher à toujours qui rime avec amour, En caressant madame et son esprit glamour, Pour oublier chagrin car il est trop morose.
Cueillir le mimosa qui fleurit au jardin, Flirter avec les mots pour enrichir la prose, Respirer le parfum que nous offre la rose, Pour chasser le cafard qui n’est pas anodin.
Se lover dans un lit, dans ses draps de satin, En berçant la paresse et sa dentelle rose , Flirter avec les mots pour enrichir la prose, Essuyer la tristesse et sa glace sans tain.
Cultiver le bonheur, arrachant la névrose, Pour croquer la douceur dans un morceau de fruit, Accueillir l’oiseau bleu pour adoucir le bruit, Flirter avec les mots pour enrichir la prose.
J’ai cueilli quelques mots pour en faire un poème, L’un d’eux s’est échappé, causant mon désarroi, Pour lui j’avais rêvé d’une place de roi Entre deux vers luisant d’un éclat de bohème !
Mais dès que le paon d’or me parle de noème, En guise de Pégase, à dos de palefroi, Au pays de la rime et de son grand arroi, Je galope aussitôt en quête d’un phonème !
Vais-je accomplir mon vœu de plus de cent sonnets Afin qu’une couronne en guise de harnais Élève au plus haut rang ma plume qui bascule ?
Mais comment donc conclure un écrit sans valeur Qui, tel un merle en gris, frisant le ridicule Affecte un air hautain en vantant sa couleur !
Je loge au pied d’un mur abritant des mésanges Qui viennent éblouir mon regard éperdu, N’ayant pour rêvasser que des toits en losanges !
Ô nouvel horizon ! sous les cieux suspendu, Mais comment désormais accepter ce mensonge, Croire en un paradis sur le dos d’un vieux songe ?
Pas un seul bruit pourtant ne trouble l’univers Où nous avons à deux installé nos pénates, Sachant que près de là valsent les odonates, Quand la belle saison fait chanter ses revers…
En m’installant ici j’ai compté mes hivers, Au lieu d’imaginer qu’aux prochaines sonates, Les nymphes du printemps en déroulant leurs nattes Viendront à ma fontaine y pêcher quelques vers !
Pour raconter Noël, il suffit d’un crayon, De quelques blonds fétus, de la plume d’un ange, D’une femme à genoux à la voix de mésange Qui serre sur son cœur, d’un doux fruit, l’oreillon,
De moutons dans le ciel, tous pendus au trayon D’un astre plus goûteux que le jus d’une orange, Déposée au matin à l’abri d’une grange, Où le soleil tardif vient planter son rayon,
D’une branche de houx, de bonbons de guimauve, D’un beau sapin tout vert où s’endort un chausson Oubliant, pour un soir, tous les secrets d’alcôve !
C’est le clair gazouillis d’un nouvel enfançon, Pour qu’éclate la fête avant que ne se sauve A minuit, en douceur, la divine chanson !
Un soleil de décembre a doré ma palette Qui, lasse de grisaille, ajustant sa voilette En signe de grand deuil, pleurait la violette, L’hirondelle jolie et le joyeux pinson.
J’ai plongé mon esprit dans ce rai de lumière Pour éclairer les murs de ma tendre chaumière Tout en rêvant d’amour et de rose trémière ; Le silence riait en sifflant sa chanson !
C’est à ce moment-là qu’une muse aquarelle Me souffla quelques vers, dont la rime si frêle, Caressa mon matin d’un vol de tourterelle En déposant sa plume en haut de mon buisson !
Tendrement j’ai cueilli cette offrande divine, Afin de la plonger dans l’aube qui ravine Entre les pans d’un jour aux éclats d’olivine, Puis j’ai repris espoir sans crainte et sans frisson !